La préparation des élections municipales est toujours une période délicate pour les partis politiques qui
doivent rendre parfois des arbitrages douloureux.
C’est encore moins simple pour le PS qui est
aujourd’hui aux abonnés absents, voire carrément à contre-courant en plein conflit sur les régimes spéciaux ou les universités, son premier secrétaire ne
faisant guère entendre la voix de l’opposition face à la politique ultra-libérale de Nicolas Sarkozy.
En prenant position en faveur du Oui au mini traité européen, lors du prochain congrès de Versailles, le bureau national du PS aide
objectivement le président de la république. Ce nouveau Oui socialiste, malgré le vote populaire en faveur du Non au TCE le 29 mai 2005 et après avoir dit précédemment qu’un nouveau référendum
était nécessaire, arrive au terme d’une «logique» qui n’est plus acceptée par une partie grandissante des militants.
Les socialistes de la cité papale n’échappent pas
à ce débat sur l’absence de ligne politique claire et d’idées fortes de leur parti. Hasard du calendrier, le premier des trois forums nationaux inscrits dans le processus de rénovation du PS se
tenait justement à Avignon 24 novembre dernier…
En vue des élections municipales du printemps prochain, deux des trois candidats socialistes à l’investiture :
Yves Léonard et Cécile Helle viennent de jeter l’éponge au niveau local de sorte que les militants n’auront plus aucun choix possible, une seule personne restant en lice : Michèle
Fournier-Armand, vice-présidente du Conseil Général de Vaucluse.
Cécile Helle appelle à une initiative citoyenne de gauche, en n’excluant pas de rejoindre le conseiller général
communiste André Castelli, entrant ainsi en concurrence avec la liste socialiste officielle.
Mais ce débat politique est d’autant plus vif que, pour nombre de militants socialistes avignonnais, le
fonctionnement démocratique de la section d’Avignon laisse plus qu’à désirer. Cette section comprend en fait deux sous-sections ; celle d’Avignon-ville et celle d’Avignon Montfavet. Ces deux
communes, bien qu’ayant des codes postaux différents, constituent ensemble la section d’Avignon.
Dans l’une, Avignon-ville, milite la vice-présidente du CG de Vaucluse : Mme Michèle Fournier-Armand. Dans
l’autre, celle de Montfavet, milite Cécile Helle, ancienne suppléante d’Elisabeth Guigou (reclassée par le PS dans une autre circonscription électorale plus clémente…)
La proximité équidistante des villes de Marseille et de Montpellier et les règles démocratiques internes très
particulières qui y règnent, semblent avoir déteint fortement sur la section d'Avignon. On constate en effet qu’avant chaque vote important
(congrès, référendum sur le TCE ou désignation des candidats aux diverses élections), le nombre d’adhérents de la
section d’Avignon-ville augmente dans des proportions fulgurantes ! Sans doute l’opération des adhérents «soldés» à 20 € favorise-t-elle ces envies subites de prendre une carte au PS avignonnais…
Les partisans de Cécile Helle pointent
du doigt également une convocation des adhérents dans le local appartenant à la section d’Avignon-ville (plutôt que dans un autre endroit «neutre»), à
quelques mètres d’une rocade très bruyante et d’une capacité de quelques dizaines de personnes alors que les deux sections réunies en comptent plusieurs
centaines…, des dates de réunion fixées au dernier moment de sorte que tous les adhérents ne puissent être convoqués,
une mise à l’écart dans les préparatifs de débat de la secrétaire de la section d’Avignon-Montfavet, bref tout l’arsenal que l’on a déjà connu ou que l’on
connaît encore aujourd’hui dans certaines fédérations départementales du PS…
Bien que cette histoire, digne des plus belles intrigues de
l’ancien Palais des Papes, soit aussi une rivalité de personnes, elle porte en germe le débat qui pourrait voir le jour, dans
les mois qui viennent, à l’approche du prochain congrès du PS, à savoir celui d’une scission éventuelle entre les sociaux-libéraux (la fédération de Vaucluse
étant plutôt strauss-kazienne…) et les autres socialistes pour un dénouement à l’Allemande avec un regroupement de
l’aile gauche du PS, du PC, d’écologistes, etc. dans un autre parti politique…
Contrairement à ce que l’on entend généralement, le choix à faire ne serait pas entre une orientation résolument
à gauche et une orientation sociale-démocrate modérée mais entre une politique de gauche réformiste et une orientation démocrate résolument centriste incarnée par Ségolène Royal ou DSK pour le
PS, François Bayrou pour le MODEM, Eric Besson, Bernard Kouchner ou autre Jean-Marie Bockel pour les transfuges du PS au gouvernement, etc.
Autant de dirigeants qui sont devenus au fil des années tout simplement démocrates, à l’Américaine, comme Tony
Blair en Angleterre, Gérard Schröder en Allemagne, Romano Prodi en Italie, bref tous les partisans de la troisième voie et du vote Oui au TCE en 2005 ou à la constitution européenne bis en
2007.
Aujourd’hui, faire passer l’âge de départ à la retraite à 67 ans comme l’ont fait les sociaux-démocrates
allemands, réduire de 80% en 25 ans le nombre de lits d’hôpitaux, comme l’ont fait les sociaux-démocrates suédois, ne pas assujettir les stocks-options aux cotisations sociales, comme l’ont fait
les socialistes français lorsqu’ils étaient au pouvoir, c’est être «réaliste, moderne, vivre avec son temps et naturellement réformiste» !
Mais de nombreux socialistes n’acceptent plus ces reculs de société, qualifiées outrancièrement de «réformes». On
peut d’ailleurs constater qu’en Allemagne, la création du parti Die Linke («La gauche»), à l’instigation d’Oscar Lafontaine (ancien dirigeant du SPD qui a démissionné en 2005 pour protester
contre l’alignement de Gérard Schröder sur les politiques libérales), est un réel succès.
En effet, le SPD, après avoir perdu plusieurs élections locales dans les Lander, est en grande difficulté à cause
de son alliance avec la CDU. Cependant, si la droite allemande obtient un meilleur score que le SPD, elle n’est pas majoritaire. L’existence de Die Linke a ainsi redonné à la gauche allemande la
possibilité d’être majoritaire, à condition que le SPD renonce à ses alliances avec Angela Merkel.
Le prochain congrès du PS en 2008 pourrait être le moment idéal pour les vrais réformistes de faire ce qui paraît
inévitable depuis le référendum du 29 mai 2005 : scinder le PS en deux partis distincts, un parti socialiste réformiste et un parti démocrate, ce qui n’exclurait pas d’éventuelles alliances
électorales entre eux par la suite et ce qui réduirait sans doute les prétentions de François Bayrou à vouloir capter les voix des électeurs du
centre-gauche…
Ci-après quelques
extraits de la lettre de Cécile Helle, adressée à Jean-François Lovisolo, premier secrétaire du parti socialiste de Vaucluse
:
Avignon, le 5 novembre
2007
Monsieur le Premier
Secrétaire Fédéral,
Je tiens par la présente à t’informer de ma décision, quelques jours
après celle formulée par Yves LEONARD, de retirer ma candidature dans la cadre de la procédure d’investiture mise en place par notre parti pour désigner le ou la Premier(e) des socialistes sur la
commune d’Avignon.
Cette décision, difficile à prendre mais mûrement réfléchie, s’explique
pour de multiples raisons, notamment le fait que nombre de militants qui se reconnaissaient dans ma candidature m’ont fait part de leur choix de refuser de participer à ce vote. Je leur laisse le
soin de t’expliquer plus en détails leurs motivations.
Pour ma part, je souhaitais profiter de cette décision difficile pour te
dire un certain nombre de choses quant à la désignation qui se profile, mais également et surtout quant à la situation de la gauche avignonnaise dans la
perspective des élections municipales de mars prochain.
Mais là n’est pas l’essentiel de mon propos. C’est ne faire offense à
personne que de dire que la désignation militante qui se profile est loin de faire l’unanimité dans nos propres rangs, au niveau local comme au niveau fédéral, et plus largement encore au sein de
la gauche avignonnaise.
Longtemps, je me suis cantonnée dans une attitude de réserve. Aujourd’hui tu l’auras compris, je ne m’y résous plus. Militante socialiste depuis vingt ans, élue
avignonnaise depuis dix ans, il ne serait pas responsable à mes yeux de ne rien dire et de ne pas réagir. Au-delà en effet des considérations socialo-socialistes que je viens d’exposer, c’est
bien de l’avenir d’Avignon et des attentes de ses 90 000 habitants dont il s’agit. A ce propos, il me semble bon de rappeler qu’Avignon est gérée depuis plus de 12 ans maintenant par une majorité
UMP qui n’a eu de cesse au fil des ans (quoi qu’en dise Madame ROIG) de conduire une politique de droite profondément marquée par l’idéologie libérale et qui profite aux plus riches. Rappeler
aussi les difficultés sociales et la grande précarité qui touchent nombre de familles avignonnaises pour lesquelles bien peu de solutions sont aujourd’hui apportées. Rappeler enfin les dénis de
démocratie qui ont régulièrement ponctué la vie municipale et qui ont surtout laissé peu de place à la volonté citoyenne.
Ces enjeux, ces urgences, l’espoir aussi suscité par les 48% des voix
enregistrés par Ségolène Royal au deuxième tour des élections présidentielles, enfin la situation préoccupante de l’ensemble des partis de gauche à l’issue de l’épisode électoral du printemps
dernier me conduisent à en appeler à une initiative collective de gauche sur Avignon. En écho à l’initiative citoyenne et républicaine que tu as appelé de tes vœux, et c’est tout à ton honneur,
sur Orange. En écho aussi au positionnement pris, il y a quelques semaines, par André Castelli, désireux de construire dans une logique de rassemblement un projet d’avenir ancré à gauche pour
Avignon. En écho enfin, à l’absence de leader naturel pour conduire la gauche avignonnaise à la bataille des Municipales de mars 2008.
C’est là, il faut bien l’avouer, une situation inédite, notamment par
rapport à 1995 et à 2001 qui peut de prime abord apparaître comme un handicap, mais qui peut tout aussi bien être une chance. D’abord parce que nous avons
fait l’expérience que l’existence d’un leader n’assure pas forcément la victoire. Ensuite parce que face à l’extrême personnalisation à prévoir de la
campagne du Maire sortant, cela peut être un atout pour la gauche d’avancer plusieurs visages, plusieurs personnalités. Enfin et surtout parce que cela oblige à construire collectivement un
projet pour les Avignonnais sans hégémonie d’aucune sorte, à mettre en avant l’équipe qui sera chargée de le concrétiser, enfin à poser un réel partage des pouvoirs, c’est-à-dire à inventer une
nouvelle gouvernance municipale où le Maire d’Avignon et le Président de la COGA seront deux personnes différentes, où les Adjoints se verront reconnaître de vraies délégations et où le Président
de l’assemblée Municipale ne sera pas forcément le Maire.
Je compte avec un certain nombre de camarades socialistes, militants et
sympathisants, mettre à profit le mois qui nous sépare de la validation définitive par les instances nationales du choix du Parti Socialiste sur Avignon pour travailler à cette alternative à
gauche, seule gage de rassemblement et de réussite à mes yeux. Face au chaos qui caractérise la gauche nationale aujourd’hui et alors que la résistance sociale s’organise, je suis convaincue que
le nécessaire renouveau idéologique peut émerger d’initiatives locales novatrices qui transcendent les appartenances partisanes. Dans chacune de nos villes en mars prochain, les élections
municipales nous donnent l’occasion d’inventer cette nouvelle gauche.
Pour ma part sur Avignon, tu l’auras compris, j’ai décidé, avec d’autres, d’y travailler. Par-là, il s’agit
de ne pas considérer comme irrémédiable la victoire de la droite. Par-là, il s’agit surtout de redonner espoir à toutes celles et ceux qui nous attendent.
Au regard de ce que tu as évoqué, il y a quelques jours, sur les
investitures internes à propos d’une autre ville importante du département, je ne doute pas que tu accueilleras favorablement cette
démarche.
Amitiés Socialistes
Cécile Helle